Ma pratique sculpturale se fonde sur la collecte et la réactivation de fragments issus des ruines de notre société consumériste. Ces restes - objets, matériaux, traces -, porteurs d’une mémoire collective, consciente ou non, sont les témoins silencieux d’un monde en décomposition. Telle une glaneuse de restes et d’histoires : je récupère, j’entasse, je transforme. Le rebut devient ressource, le résidu devient récit.
Je créé des objets de fictions, des artefacts qui alimentent les histoires que je raconte. À travers la sculpture, l’écriture, la photo ou encore la vidéo je construis une mythologie imaginaire basée sur notre monde sombre et pollué, mais qui questionne notre capacité à encore rêver, à imaginer des utopies, à parler de post ... quelque chose tout en gardant un optimisme quelque peu naïf, mais si bon.
Intéressée depuis toujours par la science-fiction, les univers postapocalyptiques, les fictions d’anticipation, les utopies littéraires, les cabinets de curiosités, l’ethnologie ou encore les cultures autochtones, je me suis peu à peu nourri de tous ces univers pour imaginer une fiction autour d’habitants potentiels d’un 7ᵉ continent de plastique solide. Cette histoire m’a dès lors permis de créer des objets culturels imaginaires ancrés dans un récit, d’inventer un autre monde, de penser une autre société. Telle une chimère, cette île est une machine à fantasmes, une manière de pouvoir questionner politiquement et culturellement notre société en travaillant sur une utopie et en se posant des questions, telles que : « comment voudrais-je vivre ? », « dans quelle sorte de société ou de non-société ? », « que ferais-je s’il fallait tout recréer depuis le début ? » ou « comment survivre dans un monde de déchets et de plastique ? ».
Magda Metbas est née de cette histoire, anthropologue de formation, en 2015 elle entreprend, la traversée de l’Atlantique en voilier pour aller étudier la place des femmes dans les cultures autochtones ; un voyage qui s’achèvera finalement par la rencontre d’un peuple étonnant sur une île encore méconnue. À la façon des explorateurs d’antan, elle recueille alors des informations, elle analyse le fonctionnement politique, les rites et les coutumes locales, puis ramène de son périple des artefacts de cette civilisation. Cet ensemble d’éléments cherche à ressembler à une exposition ethnologique, mais ici, la frontière entre la réalité et la fiction est des plus floues.
Ce “musée de la civilisation du 7ᵉ continent” nous donne la possibilité de considérer le réel par la représentation fictionnelle en nous amenant à réfléchir sur les dégâts que notre société de surconsommation inflige à la nature et à nous questionner sur : « et si c’était nous sur cette île, quel système politique et social imaginerions-nous ? ».
Certes notre monde est en danger, mais il est essentiel de pouvoir se projeter et imaginer positivement d’autres manières de s’organiser, d’autres possibles, d’autres espaces.
J’imagine que Magda nous fera un jour découvrir une langue nouvelle, des sonorités méconnues, des carnets de bord décrivant ses observations quotidiennes, des documentaires, des photographies et des dessins des habitants de l’île. Ce travail ne pourra se passer de recherches approfondies sur l’environnement océanique, d’expérimentations diverses sur le plastique, de collaborations variées avec des scientifiques, des musiciens, des linguistes, des anthropologues, des chercheurs en sciences politiques et sociales et enfin d’ateliers avec le public.